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Manuscrit de Paul Éluard destiné au deuxième numéro de La Révolution surréaliste (janvier 1925).
Petite chronique où Éluard raille les philosophes, penseurs abstraits éloignés de la réalité. Selon Marguerite Bonnet, il semble que ce texte soit adressé indirectement au groupe Philosophies. Dans le carnet du Bureau de Recherches surréalistes, le 23 décembre, Éluard déclare en effet avoir un projet de collaboration pour le n° 2 de La Révolution surréaliste.
Le groupe Philosophies s'était formé le 15 mars 1924 autour d'une revue dirigée par Pierre Morhange, Norbert Guterman, Georges Politzer, tous les trois étudiants en philosophie à la Sorbonne et bientôt rejoints par Henri Lefebvre. Leur projet se présente ainsi : « Philosophies est vraiment la revue de la nouvelle génération littéraire dont le mouvement s'applique à la POÉSIE, à l'ANALYSE et à la renaissance de la PHILOSOPHIE. » Entre 1924 et 1925 paraissent cinq numéros, qui laissent percevoir un souci de diffuser le marxisme sans l'enfermer dans un économisme strict. Les débuts sont d'un avant-gardisme de bon ton, grâce au profitable carnet d'adresses de Max Jacob (Delteil, Jouhandeau, Drieu la Rochelle, etc.). À la fin de 1924, Jacob rompt avec le groupe. En effet, si le groupe publie encore Cocteau, Salmon, Supervielle en septembre 1924, Morhange publie dans le numéro 3 (sous le pseudonyme de John Brown) un appel à « l'aventure absolue » ; de plus en plus fasciné par la politique, le groupe cherche une troisième voie dans « l'anti-esthétique » et le « nouveau mysticisme ».
Ce nouveau mysticisme refuse à la fois le désespoir quotidien et la mystique chrétienne. Comme le note Michel Trebitsch : « D'emblée, en effet, ce nouveau mysticisme se présente comme critique, à la fois du rationalisme et des religions et métaphysiques établies. C'est pourquoi il prend un tour volontairement provocant, comme en témoignent l'Enquête sur Dieu lancée en novembre 1924 (n° 4) ou le projet d'une Revue des Pamphlétaires, dont l'unique numéro est ce Pamphlet contre les catholiques de France que publie Julien Green sous le pseudonyme de Théophile Delaporte. (...) La cible principale, c'est le rationalisme dominant, qu'il s'agisse de l'idéalisme kantien que, plus qu'Alain, incarne Léon Brunschvicg qui règne sur la Sorbonne, ou du "rationalisme" néothomiste qui renaît avec vigueur après guerre, en particulier avec Jacques Maritain. Ainsi, les jeunes philosophes se rangent-ils dans le camp du spiritualisme et participent-ils à ce "procès de l'intelligence" qui éclate au lendemain de la victoire dans des conditions très nouvelles, puisque c'est de plus en plus de la gauche que vont fuser les attaques contre la raison, c'est-à-dire contre le "logos" occidental. » (Michel Rebitsch, « Le groupe "Philosophies", de Max Jacob aux Surréalistes (1924-1925) », in Les Cahiers de l'Institut d'Histoire du Temps présent, n° 6, novembre 1987. « Générations intellectuelles. Effets d'âge et phénomènes de génération dans le milieu intellectuel français ». p. 29-38.).
Les surréalistes avaient envoyé une lettre fort agressive à Morhange en octobre 1924, lui interdisant le nom de surréaliste. En novembre, Norbert Guterman et Henri Lefebvre dénoncent l'attirance des ex-dadaïstes pour le désespoir et la destruction totale (H. Lefebvre, « Sept manifestes dada » et N. Guterman, « La fin d'une histoire. Quelques notes sur le "Surréalisme" de M. Breton », Philosophies, n° 4, 15 novembre 1924). Après la rupture avec Max Jacob en décembre 1924, un rapprochement s'amorce grâce aux enquêtes. Les surréalistes évoquent l'enquête du groupe sur Dieu dans le numéro 1 de La Révolution surréaliste (p. 31). Dans le numéro 2 (janvier 1925), Breton « demande en grâce à certains de [s]es amis de ne pas combattre l’activité, peut-être toute extérieure au surréalisme, mais haute de mobiles, de Pierre Morhange » (« Le Bouquet sans fleurs », n° 2, p. 23, repris in OC 1, p. 897-898). Le rapprochement s'esquisse avec le manifeste de Lefebvre, donné en mars 1925 : Positions d'attaque et de défense du nouveau mysticisme, qui appelle à l'action par la réunion de toutes les avant-gardes, vers la « révolte de l'esprit ».
L'expression « Grandes Têtes molles » est une allusion aux Poésies de Lautréamont : « Depuis Racine, la poésie n’a pas progressé d’un millimètre. Elle a reculé. Grâce à qui ? aux Grandes-Têtes-Molles de notre époque. Grâce aux femmelettes, Châteaubriand, le Mohican-Mélancolique ; Sénancourt, l’Homme-en-Jupon ; Jean-Jacques Rousseau, le Socialiste-Grincheur ; (...) Musset, le Gandin-Sans-Chemise-Intellectuelle ; et Byron, l’Hippopotame-des-Jungles-Infernales. » [Antoine Poisson, site André Breton, 2022]
Bibliography
Paul Éluard, « Philosophes », La Révolution surréaliste, n° 2, janvier 1925, p. 32
Creation date | [sd, circa 1925] |
Bibliographical material | Ms - encre noire - 2 pages in-8° |
Languages | French |
Library | |
Method of acquisition and collection | Collection Jacques Doucet |
Number of pages | 2 p. |
Keywords | Philosophy, Reviews and Journals, Surrealist revolution, Publication |
Categories | Manuscripts, Surrealists Manuscripts |
Set | [Revue] La Révolution surréaliste, 2 |
Permanent link | https://www.andrebreton.fr/en/work/56600101002012 |