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[Je pense beaucoup à vous...]

Lettre datée du 12 août 1922

Correspondance

Auteur

Auteur André Breton
Personnes citées Arthur Rimbaud, Marius de Zayas, Guillaume Apollinaire, Marcel Duchamp
Destinataire Jacques Doucet

Descriptif

Lettre d'André Breton adressée de Lorient à Jacques Doucet, le 12 août 1922.

Comme de coutume, André Breton est à Lorient pour voir ses parents, et il ne s'y plaît pas. Se languissant de la capitale, il trompe l'ennui en écrivant à Marius de Zayas et à Jacques Doucet. Par-delà l'éloge dont Breton est coutumier, on perçoit un réel besoin de discussion alors qu'il s'attelle au prochain numéro de la revue qu'il dirige à nouveau : Littérature. En attendant les épreuves du numéro 4 (nouvelle série, à paraître en septembre) où l'influence de Picabia sera décisive, il esquisse déjà ce qui semble un programme littéraire : jugeant Rimbaud dépassé, il renouvelle son admiration pour Apollinaire et Duchamp. Symptomatiquement, le n°5 de Littérature (octobre 1922) comportera un article de Breton sur le créateur du Phare de la mariée. [Antoine Poisson, 2021]

 

Transcription

Lorient le 12 août 1922

Très cher Monsieur,

je pense beaucoup à vous depuis mon arrivée ici et je m’aperçois que parmi les choses qui sont étroitement liées à ma vie, il en est peu qui me soient devenues aussi précieuses que ces quelques minutes de conversation que vous m’accordez de temps à autre et en fonction de quoi, sauf l’amitié de deux ou trois autres hommes, tout le reste me semble vulgaire et sans charme. Rien ne me porte à ce genre de réflexions comme un séjour dans cette province que je hais et d’où je suis incapable de vous adresser autre chose qu’une pensée très affectueuse. Je suis à peu près sans nouvelles du monde et je n’ai encore écrit qu’à Marius de Zayas dans l’espoir que nous pourrons nous rencontrer près d’ici. Il fait un triste temps et cela n’est pas pour me rendre plus agréable les excursions à la mer. Je n’ai pas encore reçu les épreuves de Littérature et je m’occupe de la composition du prochain numéro ; pour cela même je suis d’ailleurs mal placé.

Toute mon activité se concentre sur ce problème : un nouvel esprit se prépare, quel sera-t‑il et de quoi vraisemblablement doit-il participer ? Je crois qu’il est des influences qui cessent totalement aujourd’hui de s’exercer : Rimbaud par exemple. Il se pourrait qu’on redécouvrît prochainement un certain côté d’Apollinaire (je dis cela un peu au hasard). Et toujours l’homme de qui je serais le plus disposé à attendre quelque chose, s’il n’était pas si lointain et au fond sans doute si désespéré, l’homme qui s’est tenu seul à l’écart du public et qui n’a pas voulu être jusqu’ici le héros d’aucune aventure, si brillante qu’elle soit (cubisme, dadaïsme), l’esprit qu’on trouve à l’origine de tous les mouvements modernes et que ces différents mouvements n’ont nullement compromis : Marcel Duchamp. Sa pensée m’est un refuge.

Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à ma grande affection et à la hâte que j’ai de vous revoir. Ma femme me prie de vous transmettre ses sentiments les plus choisis

André Breton.

24 rue Amiral Courbet Lorient.

 

Bibliographie

André Breton, Lettres à Jacques Doucet, éd. Étienne-Alain Hubert, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 2016, p. 124-125.

 

Librairie Gallimard

Date de création12/08/1922
Notes bibliographiques

Ms, encre bleue - Deux pages sur un feuillet ligné 27 × 21 cm de papier bleu pâle.

 

Languesfrançais
Lieu d'origine
Bibliothèque

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BLJD 7210-21

Dimensions21,00 x 27,00 cm
Nombre de pages2
Crédit© Aube Breton, Gallimard 2016
Mots-clés, , ,
CatégoriesCorrespondance, Lettres d'André Breton
Série[Correspondance] Lettres à Jacques Doucet
Lien permanenthttps://www.andrebreton.fr/fr/work/56600101001019
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