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[Tu sais, paraît-il, maintenant que nous t'attendons...]

Lettre datée de Paris, le 21 janvier 1949

Correspondance

Auteur

Auteur André Breton
Personnes citées Elisa Claro Breton, Cora, Jacqueline Lamba, Louis Breton
Destinataire Aube Breton-Elléouët

Descriptif

Lettre d'André Breton à sa fille Aube, le 21 janvier 1949, expédié à Putney, Vermont, U.S.A.

 

Transcription

Paris, le 21 janvier 1949

Ma petite Aube chérie,

Tu sais, paraît-il, maintenant que nous t’attendons, Elisa et moi, au mois de juin. J’attendais pour t’en parler que Jacqueline ait pu te l’annoncer et surtout de savoir ce que tu en avais dit. Je suis si heureux de savoir que cela ne te fait pas de peine : il n’y a que cela qui aurait pu diminuer mon plaisir. Bien sûr j’aurais voulu de tout mon cœur que tu ne sois pas ainsi plusieurs fois transportée d’un continent à l’autre, avec tout ce que cela entraîne de changements d’habitudes et de relations mais, que veux-tu, la vie en a décidé autrement. Il me semble qu’un jour, tout de même, tu tireras parti pour toi de cette connaissance qui t’aura été donnée des deux mondes dans ta jeunesse et aussi que tu préféreras être devenue une jeune fille à Paris qu’à New York. Il y a tout de même ici autre chose en profondeur tu sais et tu tiens (même sans bien t’en rendre compte) par trop de liens à ce coin de l’Europe pour ne pas t’y trouver mieux qu’ailleurs quand tu auras dix-huit à vingt ans.

Je t’ai dit qu’un de mes grands sujets d’inquiétude était la nécessité de changer d’appartement pour ton arrivée. Il y a si peu de possibilités en ce sens que je craignais terriblement de n’y pas parvenir. Enfin ça y est. Oh ce n’est pas qu’on bouge beaucoup, puisqu’on se borne à descendre d’un étage sans quitter la maison. Cet appartement était occupé jusqu’à la guerre par une dame américaine, elle l’a laissé vide pendant ces dernières années et s’est décidée à en donner congé récemment. Si tu n’as pas tout à fait oublié la rue Fontaine et pour que tu puisses déjà t’orienter, il s’ouvre au troisième étage par la dernière porte à gauche en montant à notre appartement actuel. Il se compose de deux ateliers donnant sur le boulevard, comme celui que nous allons quitter, et d’une petite chambre carrée donnant sur l’arbre de la cour, qui te sera tout à fait réservée. Comme il y a une seconde entrée sur l’autre escalier (qui est beaucoup plus agréable) tu pourras pénétrer directement dans ta chambre sans même avoir à traverser d’autres pièces. Comme tu te doutes bien, Elisa et moi allons faire tout notre possible pour que tu sois tout à fait chez toi, entourée de choses qui ne sont qu’à toi et que tu te plaises à tout ce qui t’entoure. J’espère bien que nous y réussirons. Ton grand-père t’a acheté à Lorient un grand secrétaire à tiroirs dont une partie forme bureau quand on l’ouvre et je crois que ce meuble fera bien ton affaire et te plaira. C’est lui (ton grand-père) qui a traité l’affaire du changement d’appartement avec le propriétaire. Pour cela il est venu à Paris et a passé quelques jours avec nous. Il est très triste parce que la dernière lettre qu’il t’a adressée lui est revenue. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant puisqu’il avait oublié de faire suivre, sur l’enveloppe, le mot « Putney » du mot « Vermont ». Je vais te l’envoyer sous une autre enveloppe.

Elisa dort encore, parce que nous sommes allés hier soir voir des films surréalistes et que la séance a fini à plus de deux heures du matin. Sa sœur Cora est à Paris avec ses deux enfants, Raoul qui a 17 ans et Valeska, la petite fille, qui a dix ans et qui est exquise. Quel dommage que tu ne puisses la connaître. Mais elle sera en Turquie ou déjà de retour au Chili quand tu reviendras.

Voilà, ma petite Aube chérie, une lettre toute chargée de projets causés par ton retour, une de celles par conséquent que j’ai été le plus heureux de t’écrire. Réponds-moi bientôt : au courrier de ce matin il y a une lettre de toi à Elisa et j’attends impatiemment qu’elle s’éveille pour me la raconter d’un bout à l’autre.

Plus que quatre mois ou presque !

Mille et un baisers, ma petite chérie.

André

Bibliographie

André Breton (éd. Jean-Michel Goutier), Lettres à Aube, Paris, Gallimard, 2009, p. 39-41

Librairie Gallimard

Date de création21/01/1949
Date du cachet de la Poste21/01/1949
Adresse de destination
Notes bibliographiques

2 pages in-4°

ProvenanceParis
Lieu d'origine
Bibliothèque

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : Ms Ms 41363_39

Modalité d'entrée dans les collections publiquesDon Aube et Oona Elléouët à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, Paris, 2003
Nombre de pages2
Crédit© Aube Breton, Gallimard 2009
Référence19004929
Mots-clés
CatégoriesCorrespondance, Lettres d'André Breton
Série[Correspondance] Lettres à Aube
Lien permanenthttps://www.andrebreton.fr/fr/work/56600101000079
Lieu d'origine
Lieu d'arrivée