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Manuscrit de Pierre Naville destiné au troisième numéro de La Révolution surréaliste (avril 1925).
Voici le texte à l'origine de la reprise en main de la revue par Breton. Celui-ci fut si ulcéré par la déclaration de Naville que le numéro suivant comporte une chronique de sa main :
« Le Surréalisme et la peinture ». Pierre Naville, le 30 avril, décrit à sa femme Denise la réaction de Breton : « Ce matin j’ai été à Cyrano, j’ai vu Aragon, Breton, Éluard, Péret, Baron. Alors, tout de suite cette atmosphère insupportable ; je l’avais bien prévu, mais cela m’attriste, je suis comme écœuré. Breton, au reste très sympathique et d’assez bonne humeur, m’a fait en détail le procès du n° 3. C’est bien ce que je pensais - enfin, tout lui paraît détestable ; il prétend que j’ai écrit ces notes sur les Beaux-Arts rien que pour "l’emmerder" ! Il est très mécontent du mysticisme d’Artaud, etc. Aragon avait sa mine tragique des grands jours. »
Étant donné l'attachement de Breton à la peinture et ses relations avec les peintres, on pouvait comprendre l'agacement. En outre, divers peintres s'étaient déjà penchés sur le surréalisme (Max Ernst, Chirico, Picasso) : en excluant la peinture, il y avait risque de perdre de précieux alliés dans l'exploration du merveilleux, pour l'incertain bénéfice de rigueur intellectuelle.
Naville est plus disert encore sur les motivations de cet article :
« L’image optique suivait avec difficulté l’espèce de démembrement, de pulvérisation, que le mot commençait à subir avec succès, à la suite de tout ce qui l’avait déraciné avec dada, dont Apollinaire et Reverdy, après Rimbaud et Mallarmé, avaient donné un avant-goût. Les compositions de Chirico, puis de Max Ersnt, proposaient tout de même d’en finir avec la phrase picturale. Man Ray s’y essayait avec succès grâce à la chambre obscure et au montage d’objets. Mais dans le tableau, avec ses normes insistantes, coercitives (l’encadrement, le format, la circulation matérielle) subsistait une pesanteur de mauvais augure. Il n’était guère question d’abandonner la peinture au sens où nous entendions abandonner la littérature. Les tentations de constituer un "art surréaliste" étaient pressantes. Nous publiâmes dans la revue une "chronique des beaux-arts" [allusion à la chronique de Max Morise dans le premier numéro (NdE)] dont l’amabilité faisait pressentir l’ouverture d’une galerie de peinture comme en suscitent toutes les avant-gardes traditionnelles. Bref, un vent poussait dans ce domaine à entretenir l’espoir que l’on pourrait quelque jour – comme en effet on y est venu – rédiger des histoires de la peinture surréaliste dans le genre "conférences du musée du Louvre", en attendant les histoires du cinéma surréaliste qui préparait encore son heure. C’est ce qui m’entraîna à rédiger pour La Révolution surréaliste ce mince article intitulé "Beaux-Arts", qui déplut à tout le monde. J’y affirmais qu’il ne saurait y avoir de peinture surréaliste, et j’invitais les surréalistes à se préoccuper un peu plus de bien d’autres formes, liées au comportement, sous lesquelles l’image devait être appelée à jouer un rôle vraiment nouveau, et que je pouvais même croire révolutionnaire. Breton prit fort mal la chose, je l’ai dit, y supputant peut-être une ironie dans le mode dada qu’il préférait alors tenir à distance. C’est ce qui le décida à entreprendre dans le fascicule suivant, dès lors que je devais quitter la direction de la revue, une série d’articles sous le titre prudent : "Le surréalisme et la peinture". Lorsque ces articles furent recueillis en volume, Breton hésitait encore sur le titre à leur donner. Masson nous rapporte (en novembre 1970) que Breton lui dit à ce propos : "Je ne sais pas encore quel titre donner à l’ouvrage qui doit paraître chez Gallimard. Il n’y a pas de peinture surréaliste. Il y a des surréalistes qui font de la peinture comme il y a des surréalistes qui écrivent, comme des surréalistes pourraient tout aussi bien être vanniers ou forgerons." »
Vrai souci de l'esthétique surréaliste ? Règlement de compte ? Définition large du sujet ? Il est vrai qu'on sent quelque rancœur dans ces lignes. Reste que la direction de Breton se maintient ; foncièrement littéraire, elle affirme la prééminence de l'image intérieure sur le lâcher de la pensée au bout du crayon. Après ce numéro, on ne trouve plus de peinture ou dessin automatique. [Antoine Poisson, site André Breton, 2022]
Bibliographie
Pierre Naville, « Beaux-Arts », La Révolution surréaliste, n° 3, avril 1925, p. 27.
Date de création | sd (avril 1925) |
Notes bibliographiques | Ms - encre noire - 1 page in-12 signée. |
Langues | français |
Bibliothèque | |
Modalité d'entrée dans les collections publiques | Collection de Jacques Doucet |
Dimensions | 16,00 cm |
Nombre de pages | 1 p. |
Mots-clés | peinture, revue, revue "la révolution surréaliste", édition |
Catégories | Manuscrits, Manuscrits des membres du groupe |
Série | [Revue] La Révolution surréaliste, 3 |
Exposition | Réunions du groupe au Cyrano |
Lien permanent | https://www.andrebreton.fr/fr/work/56600101002089 |
