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    [Vous me pardonnerez de vous écrire...]

    Lettre datée de Saint-Cirq, le 20 septembre 1956

    Correspondance

    Auteur

    Auteur André Breton
    Personnes citées Aube Breton-Elléouët, François-René de Chateaubriand, Léo Ferré, Madeleine Ferré, Joris-Karl Huysmans, Nanos Valaoritis
    Destinataire Yves Elléouët

    Descriptif

    Lettre d'André Breton à sa fille Aube et à son mari Yves Elléouët.

     

    Transcription

    St-Cirq, le 20 septembre 1956.

    Très cher Yves ,

    vous me pardonnerez de vous écrire sur cette feuille que je n’aime guère : je n’ai pratiquement pas d’autre papier. Voici de vous, ce matin, en même temps que d’Aube , une seconde lettre adorable. Allons, je ne vais tout de même pas vous dire que vous êtes un « amour » mais j’ai glissé un jour à une oreille qui ne demandait qu’à l’entendre que vous étiez le Prince Charmant en personne  — et ce n’était pas seulement pour lui faire plaisir. Vous êtes aussi Lancelot du Lac au jeu des analogies quand je le pratique seul avec moi-même. Vous êtes un composé de farouche et d’exquis dont je ne pressentais pas la vertu de séduction avant de vous rencontrer. Il y a du Chateaubriand aussi, je ne voudrais pas que cela vous offusque : vous savez que ce que j’en dis est en très bonne part. Je fais souvent le tour assez vertigineux de cette plage du ciel… des destinées dont la première pierre très blanche et très pure est cette première lettre que vous m’avez adressée et que j’ai quelquefois regardée depuis lors. À partir de là, que les astres ont été vite ! J’ai encore toutes les peines à les suivre des yeux. Je ne sais que rendre grâce, comme du timbre d’un poème parfait.

    Ceci dit — sans j’espère que vous ayez eu trop à froncer les sourcils ni à ouvrir plus grand votre œil droit — et puisque vous voulez bien vous inquiéter de moi, je vous avoue que je ne suis pas encore très prêt à regagner Paris . L’ouvrage détestable que vous savez  reste toujours en souffrance et, dès que j’entreprends de m’y remettre, les grands tourments et menaces nocturnes se reproduisent. Il y a même des démons qui poussent l’impudence jusqu’à se nommer : celui de l’avant-dernière nuit a cru bon de répéter qu’il s’appelait « Jappard ». Tout ce qui pourrait vous donner idée approchante de l’atmosphère qu’ils me font serait, je crois, En rade de Huysmans . Je continue à chercher secours dans les agates. Nanos  a trouvé près du barrage de Mercuès une pierre d’un aspect si singulier, recélant apparemment tant d’intentions qu’on peut se demander si ce n’est pas là une statuette de « déesse-mère » (comme ils disent) d’époque néolithique, torse en violon et tête de hibou, — une chose vraiment fascinante en tout cas.

    Madeleine et Léo Ferré s’annoncent pour quelques jours. De toute manière la première du ballet La Nuit, auquel il a travaillé cet été, est fixée au 28 ou 29 septembre. Qu’Aube n’hésite surtout pas à demander par téléphone à ce que vous y soyez invités.

    À vous de cœur.

    André

    Un bonjour tendre à vous et Aube , Elisa

     

    Bibliographie

    André Breton (Jean-Michel Goutier éd.), Lettres à Aube, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 2009, p. 101-104

    Librairie Gallimard

    Date de création20/09/1956
    Date du cachet de la Poste20/09/1956
    Adresse de destination
    Notes bibliographiques

    2 pages in-4°

    Notes

    papier à en-tête du Surréalisme même

    Lieu d'origine
    Bibliothèque

    Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : Ms Ms 41363_108

    Modalité d'entrée dans les collections publiquesDon Aube et Oona Elléouët à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, Paris, 2003
    Nombre de pages2
    Crédit© Aube Breton, Gallimard 2009
    Référence19004963
    Mots-clés, ,
    CatégoriesCorrespondance, Lettres d'André Breton
    Série[Correspondance] Lettres à Aube
    Lien permanenthttps://www.andrebreton.fr/fr/work/56600101000136
    Lieu d'origine
    Lieu d'arrivée