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    [Je m'en veux de ne pas avoir été le premier à t'écrire...]

    Lettre datée de Saint-Cirq, le 24 mai 1951

    Correspondance

    Auteur

    Auteur André Breton
    Personnes citées Marie-Louise Bienaimé, Nicole Bienaimé, Elisa Claro Breton, Maurice Saillet, Benjamin Péret
    Destinataire Aube Breton-Elléouët

    Descriptif

    Lettre d'André Breton à sa fille Aube du 24 mai 1951, écrite à Saint-Cirq et envoyée au 123 avenue Malakoff, Paris XVIe.

     

    Transcription

    St Cirq, le 24 mai 1951.

    Ma petite Aube chérie,

    Je m’en veux de ne pas avoir été le premier à t’écrire mais d’abord il y a eu le voyage (presque tout entier sous la pluie battante) et ensuite l’inspection très détaillée de la maison de Saint-Cirq (qui est un labyrinthe ou à peu près). On commence seulement à retrouver quelque stabilité. Le ciel est un peu couvert aujourd’hui mais il faisait hier après-midi à l’ombre et on a l’impression d’avoir atteint enfin les très beaux jours. Dommage seulement que le régime de l’auberge soit ce qu’il est, à peu de chose près comme l’année dernière (le lit, la nourriture) mais Éliette est toujours aussi prévenante et gracieuse (si seulement elle dansait un peu moins en parlant). Pas encore eu le temps de chasser les papillons, quoique j’en aie déjà aperçu deux que nous n’avons pas. Encore une fois, c’est la maison qui prend presque tout notre temps et je t’assure qu’à la revoir elle en vaut la peine : elle est vraiment pleine de surprises. On a déjà abattu le plafond de la grande pièce qui menaçait ruine et le menuisier va bientôt venir poser les planches neuves ; on a enlevé de cette même pièce les constructions de bois qui déparaient la cheminée et l’escalier, fait apparaître les briques roses (que masquait un enduit de plâtre) qui forment la hotte de la cheminée, dégagé le chapiteau de pierre, etc. Est-ce que tu vois encore tout cela ? On a aussi débarrassé les jardins d’une bonne partie des mauvaises herbes, en respectant les iris et les petites fougères qui courent sur les murs. Quand tu reverras toutes ces pierres et les belles salles si claires, je suis sûr que tu seras contente. Il n’y a que la tour qui n’est pas près de rep rendre vie mais elle est on ne peut plus attrayante telle quelle et de la fenêtre supérieure à laquelle on peut accéder tant bien que mal on a une vue qu’on n’a que dans les contes. Voilà, mon chéri, pour St-Cirq.

    Veux-tu dire à Madame Marie-Louise Bienaimé  que je suis confus d’avoir oublié de lui remettre l’argent de ton métro et la prier de vouloir bien accepter le petit chèque ci-joint pour parer à cette dépense. Dis-lui encore le très grand gré que je lui sais de toutes ses attentions pour toi.

    Ma petite Aube, j’ai lu avec grand soin tout ce que me dit la première page de ta lettre et à propos de Dominique. N’aie aucune inquiétude. Tu trouveras un jour prochain ce que tu cherches.

    J’ai déjà écrit à Benjamin pour exprimer la joie que m’avait causée la correction infligée à l’infâme Saillet : moins la correction que l’acte de solidarité si émouvant de nos amis. Il me semble que tout ce qui a pu m’attrister si profondément ces derniers mois trouve ici, dans leur geste, sa compensation parfaite. C’est comme si une grande blessure s’était fermée ; bien mieux que cela même puisque l’entente qui est la nôtre a su donner là toute sa mesure (c’est cela, comme dans la chanson, qui pour moi fait « le soleil au cœur »).

    Elisita vient d’entrer, apportant sous un mouchoir une petite branche sèche sur laquelle étaient posés deux grands paons de nuit merveilleusement intacts qui tiennent à peine dans les deux flacons. Mais quel dommage que je n’aie pas le grand étaloir. S’il était possible, ne pourrais-tu demander à Benjamin de t’accompagner (ou bien d’aller seul le plus tôt possible) chez Deyrolle pour m’en faire adresser un d’urgence (pour grands papillons). Benjamin aurait la gentillesse de le payer et je lui retournerais l’argent par courrier. Mais il faudrait que chez Deyrolle on vous donne l’assurance que l’objet me sera expédié le jour même. Le montage ne peut attendre au-delà de lundi prochain.

    As-tu reçu des nouvelles de France de Jacqueline et sais-tu comment s’organisent tes vacances ?

    Je compte sur toi, ma petite Aube, pour terminer cette année scolaire en beauté. Les derniers résultats étaient très encourageants. Livrée ainsi à toi-même ces dernières semaines, on va voir de quoi tu es capable. Je te fais confiance.

    Veux-tu bien transmettre mes pensées les plus amicales à Nicole  et présenter mes hommages à Madame Marie-Louise Bienaimé .

    Je t’envoie, mon chéri, mille tendresses.

    André

     

    Bibliographie

    André Breton (éd. Jean-Michel Goutier), Lettres à Aube, Paris, Gallimard, 2009, p. 44-45

    Librairie Gallimard

    Date de création24/05/1951
    Date du cachet de la Poste24/05/1951
    Adresse de destination
    ProvenanceSaint-Cirq-Lapopie, Lot
    Lieu d'origine
    Bibliothèque

    Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : Ms Ms 41363_44

    Modalité d'entrée dans les collections publiquesDon Aube et Oona Elléouët à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, Paris, 2003
    Crédit© Aube Breton, Gallimard 2009
    Référence19004932
    Mots-clés,
    CatégoriesCorrespondance, Lettres d'André Breton
    Série[Correspondance] Lettres à Aube
    Lien permanenthttps://www.andrebreton.fr/fr/work/56600101000090
    Lieu d'origine
    Lieu d'arrivée