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[Nous parlons tant de toi, nous sommes si anxieux...]

Lettre datée du 3 mai 1940

Correspondance

Auteur

Auteur Wolfgang Paalen
Personnes citées Gaston Bachelard, Aube Breton-Elléouët, Julien Levy, César Moro, Raoul Ubac, Frida Kahlo, Roberto Echauren Matta, Benjamin Péret, Alice Rahon-Paalen, Diego Rivera
Destinataire André Breton

Descriptif

Lettre de Wolfgang Paalen à André Breton, datée de New York, le 3 mai 1940.

 

Transcription

New York 3 mai 1940

Mon très cher André,

Nous parlons tant de toi, nous sommes si anxieux d'avoir de tes nouvelles. Je suis à New York et ma plus grande joie ici était de retrouver Yves. Je pense que tu l'imagines difficilement en Jankel, inutile de dire qu'il reste joliment imperméable aux influences américaines et à la langue.

J'aime beaucoup Kay San Franstino. Toutes nos pensées de chercher, l'éloignement de toi plus que tout le reste fait que tout ce passe comme dans une pénombre, dans un détournement précaire. Dans mon assez grande solitude au Mexique je sentais, les miens sentaient plus douloureusement que je puisse dire comme tout ce qui nous importe perdait sans toi sa couleur de vie - mais c'est ici au contact avec nos amis que je mesure toute l'étendue de ce terrible vide. Je n'ose même pas parler du terrible vide dans nos cœurs, à me rappelles combien une journée pouvait s'illuminer par un sourire de toi.

Mon grand ami, ne m'en veux pas si je ne peux pas mieux de dire, de dire plus souvent, combien tu es toujours au centre de ma pensée, de toute ma tendresse de cœur. J'ai très honte de ne pas avoir répondre immédiatement à la lettre du 30 janvier qui m'est parvenu peu avant mon départ pour ici. En sachant bien, combien ma situation est enviable à coté de la tienne, mes difficultés à écrire une lettre sont peut-être aussi grandes presque que les tiennes, il me semble que la parole écrite n'a jamais porté aussi mal, que tout ce que je part te raconter est si pauvre, si peu substantielle en imaginant la vie actuelle.

D'après une lettre de Péret, j'ai crû comprendre que tu as également reçu le catalogue de l'exposition au Mexique, je l'ai expliqué pourquoi il c'était si défectueux.

Je n'ai jamais rencontré Van, il était déjà parti pour ici, fâché avec son père spirituel, parti pour joindre l'opposition au sein du même groupe d'écrivain ; tu comprendras ce jargon et le manque de détails. Je n'ai rien fait pour le rencontrer ici, à suivre de près ces querelles qui me semblent de plus en plus théologiques.

Je n'ai pas vu le vieux maître, qui, je dois avouer, ne m'intéresse plus qu'en tant que grande personnalité historique. J'ai beaucoup appris sur tout cela par l'homme le mieux informé sur toute la question que j'ai jamais rencontré et qui a pu me prouver qu'il a prévu les développements actuels il y a huit ans. Dommage que des années au Mexique, c'est le beau-père de l'économiste suisse dont quelques photos étaient reproduites dans minotaure.

A mon très, très, grand regret, je dois de dire que nous ne voyons plus du tout Frida. Donner nos raisons serait plaider notre cause, pour cela tu ne m'en voudras pas, j'espère, si je m'abstiens de tout commentaire. Elle a été très malheureuse après son divorce, mais dernièrement elle voyait de nouveau Diego et allait mieux, on m'a dit. Nos relations avec Diego sont bonnes mais peu suivies, je ne manque naturellement pas à lui communique tout ce que tu me dis pour lui. Tu auras entendu par Esteban, qu'il est chez nous, nous l'aimons beaucoup.

Je suis venu ici pour faire mon exposition chez Levy. Le succès « moral » a été bon, les critiques très favorables, la vente à peu près nulle (de cela, Levy m'avait prévenu). Sa galerie est jolie, le contact personnel a été parfaitement agréable - mais c'est un autre monde - et quoi dire de toute cette ambiance des Tcheliteler, Berarman, Leonid et autres sous-produits du surréalisme - naturellement beaucoup plus goûtés ici que les choses authentiques. En tous cas, Levy veut continuer à s'occuper de moi et envisage une prochaine exposition d'ici deux ans - cela sonne si bête - dans deux ans. L'exposition de Matta est très belle, dommage qu'il semble tellement prêt à toutes les concessions, doué du même parfait cynisme latin que Dali. Je l'ai revu avec plaisir, également Calas qui est plein d'entrain et réussira peut-être à cristallins quelques activités ici. Tout ce qu'on a pu nous dire sur la jeunesse américaine - je crois que l'on confond en ce cas jeunesse et infantilisme.

Avec le plus grand intérêt j'ai lu les deux livres de Rausesuring, bien regrettable, qu'ils viennent deux ans trop tard - mon impression principale est, qu'il ne reste pas grand close de notre vocabulaire politique après cette lecture. A cette occasion, je dois avouer de me trouver de plus en plus en contradiction avec bon nombre d'idées généralement admises parmi nous, notamment en ce quoi concerne la conception hégélienne et tout ce qui en découle.

Ubac m'a écrit à propos d'une petite revue belge en me parlant également de ses réserves à ce sujet. Il me semble un peu absurde en ce moment de parler comme N. de « position » à prendre etc., je pense qu'il faudra renoncer pour quelque temps à voulais garder une vue nette sur l'actualité, à vouloir se trouver à tout prit sur une route carrossable. New York cette fois m'a assez vérifié et assumé, je pense de plus en plus qu'il faudrait un jour faire le procès de toute la civilisation occidentale.

Depuis quelque temps j'ai imaginé - et des propos de toi à Chemillieu dont m'a parlé Esteban m'ont confirmé dans ce sans - que tu as dû être le premier à voir que le surréalisme se trouve à un tournant particulièrement critique. Pour ne parler que de ce qui me concerne, je me sens tout à fait incapable de me préoccuper de « résultats », dans un phase purement expérimentale dans la peinture et contre toute formule définitive sur le plan de la pensée. Je lis Reichenbach, Lichtiz, Dunne (par produits autant que je sais), je crois que la philosophie actuelle s'est trop peu soucie des découvertes de la physique moderne, que dans ces régions pouvaient se trouver de nouveaux points de départ pour la pensée. (Bachelard, trop préoccupé de synthèse brillante sacrifie trop à l'élégance de la coordination des matières).

En même temps avec celle-ci, je t'adresserai une autre lettre contenant le catalogue de mon exposition, un dessin, une photo d'un portrait de toi, commencé à Paris et fini au Mexique et un petit manuscrit - qui est un échantillon (peut-être trop frivole) de mes préoccupation et devrait aussi remplacer une petit idée d'un livre transparent, trop ?? à réaliser. Je crains que tu détesteras ce petit manuscrit. (je crois que je ne pourrai pas envoyer par avion cette seconde lettre).

4 Mai.

Je n'avais pas pu terminer cette lettre hier - ce matin Cals m'a lu ta lettre, je suis si ému, si heureux de tout ce que tu dis pour moi, mon très, très cher André.

Calas me charge de te dire, qu'il ne répondre pas tout de suite pour pouvoir de donner des renseignements précis ; qu'il espère que tu recevras le catalogue de Matta dans lequel il m'est responsable que pour son propre texte, que les difficultés pour son entreprise ici sont bien grandes.

César Moro et son ami Westphalen éditent une petite revue, intitulée par une coïncidence (un peu fâcheuse, je crois) « El uso de la palabra » (l'usage de la parole). En leurs noms, j'ai sollicité aux amis ici photos et textes. Ayant toute confiance dans les intentions de Moro, avec lequel je suis devenu très ami, j'en ai moins dans son jugement et cette publication ne me semble pas spécialement indiqué pour Mexique, c'est pourquoi je ne m'en occupe pas très actionnent.

Alice m'a écrit qu'elle t'a envoyé de ses poèmes.

Je me réjouis que le jeune Lé Ward le plaît c'est par une certaine façon de voulais attendre qu'il prenne plus ample, contact avec la pensée surréaliste, que nous ne te l'avions pas présenté, j'avais tort.

La semaine prochaine je rentre au Mexique, nous pensons y rester pour le moment, ou ne peut pas faire des projets lointains en ce moment.

J'espère tant que tu me pardonneras encore ce long silence.

Toute mes bonnes pensées et profondes amitiés à Jacqueline, tout ce que je peux souhaites de bonheur à la douce petite Aube.

À toi toujours le plus profondément et tendrement, à toi André de tout cœur toujours.

Wolfgang

Date de création03/05/1940
Notes bibliographiques

Ms, encre noire - trois pages signées.

Enveloppe non conservée.

Languesfrançais
Lieu d'origine
Bibliothèque

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BRT C 2234

Modalité d'entrée dans les collections publiquesDon Aube et Oona Elléouët à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, Paris, 2003
Nombre de pages3 p.
Crédit© succession Paalen, 2022
Référence19001899
Mots-clés,
CatégoriesCorrespondance, Lettres à André Breton
Série[Correspondance] Correspondance avec Wolgang Paalen
Expositions1940, Exposicion internacional del surrealismo , Revolver, Genius of the Species
Lien permanenthttps://www.andrebreton.fr/fr/work/56600101001898
Lieu d'origine
Lieux d'exposition

Notice reliée à :

1 Œuvre
 
False

[Je viens de t'écrire en détail...]

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Wolfgang Paalen

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Lettre de Wolfgang Paalen à André Breton, datée du 4 mai 1940.

Une page, une notice descriptive, une bibliothèque, une série.

[Correspondance] Correspondance avec Wolgang Paalen