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[Je me vois...]

Lettre datée du 23 août 1922

Correspondance

Auteur

Auteur André Breton
Personnes citées Jacques Baron, Clément Vautel, Robert Desnos, Marcel Duchamp
Destinataire Jacques Doucet

Descriptif

Lettre d'André Breton à Jacques Doucet, sans adresse, le 23 août 1922.

 

Transcription

Mercredi 23 août 1922

Très cher Monsieur,

je me vois dans la nécessité de vous prier de m’accorder une prolongation de congé de deux jours, ma femme ayant pris froid au sortir d’un bain et se trouvant momentanément hors d’état de voyager. Sur un mot de vous adressé 42 rue Fontaine, je serai très heureux de vous rencontrer à Paris lundi ou mardi.

J’ai lu et relu avec la plus grande attention la lettre que vous avez eu la bonté de me faire parvenir. Soyez certain qu’en ce qui concerne mes sentiments pour vous, je suis demeuré très au‑dessous de la vérité. Je comprends à merveille vos objections à la manière dont je m’y prends pour caractériser un esprit qui nous échappe encore à tous. Vous savez que la détermination de cet esprit m’est essentielle. Le difficile est que si nous n’y prenons pas garde, nos amis les meilleurs seront les premiers à le consacrer dans un sens qui sera encore des plus approximatifs et à nous préparer ainsi une nouvelle perte de temps. Je dis un peu cela pour Picabia dont je n’aime guère la réponse à l’enquête du « Figaro » (samedi dernier) non plus que la réplique au « Film » de Clément Vautel dans le « Journal » d’hier. J’aimerai, Monsieur, que vous m’en parliez à mon retour.

Ici j’ai rencontré Jacques Baron qui m’a chargé de vous transmettre ses souvenirs les plus respectueux. Baron et Desnos sont certainement des gens qui vont compter et je crois que vous considérerez leur effort avec sympathie.

Si je m’attache encore parfois à ne pas rompre définitivement la chaîne avec le passé, ne m’en veuillez pas, je vous prie. Il y a, Dieu merci, une espèce d’équité très large qui régit les productions du « génie » humain, de quelque nature qu’elles puissent être. Un esprit, un mouvement qui se dessine est obligé de retenir tout ce que les esprits, les mouvements révolus ont été incapables d’englober. Sans cette garantie, je ne crois pas qu’il soit d’évolution possible ; c’est dans ce sens que je vous ai parlé de Marcel Duchamp et que je compte me prononcer sur lui dans Littérature.

Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à ma grande affection et à la hâte que j’ai de vous revoir. Ma femme me prie de vous transmettre ses sentiments les plus choisis.

André Breton.

 

Bibliographie

André Breton, Lettres à Jacques Doucet, éd. Étienne-Alain Hubert, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 2016, p. 125-127.

 

Librairie Gallimard

Date de création23/08/1922
Notes bibliographiques

Deux pages sur un feuillet ligné 27 × 21 cm, papier bleu pâle. Encre bleue.

 

Languesfrançais
Bibliothèque

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BLJD7210-22

Dimensions21,00 x 27,00 cm
Nombre de pages2
Crédit© Aube Breton, Gallimard 2016
Mots-clés,
CatégoriesCorrespondance, Lettres d'André Breton
Série[Correspondance] Lettres à Jacques Doucet
Lien permanenthttps://www.andrebreton.fr/fr/work/56600101001020