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    Description

    Revue du mouvement Dada, parue à Zürich puis Paris (1917-1921), sous la direction de Tristan Tzara. Numéro 3 (décembre 1918).

    Ce numéro a été publié en deux versions : une édition internationale comprenant des contributions en allemand, et une édition française où ces dernières ont été remplacées pour éviter la censure. [site André Breton, 2020]

     

    Transcription

    [couverture]

    « Je ne veux même pas savoir s'il y a eu des hommes avant moi » (Descartes)

    [p. 1]

    Manifeste Dada 1918

    [note marginale verticale à gauche]

    Note. — Ce manifeste a été lu par Tristan Tzara le 23 Juillet 4 la Meise Zurich. — Le Dadaïsme. Pour introduire l'idée de folle passagère en mal de scandale et de publicité d'un « isme » nouveau — si banal, avec le manque de sérieux inné à ces sortes de manifestations les journalistes nommèrent Dadaïsme ce que l'intensité d'un art nouveau leur rendit impossible compréhension et puissance de s'élever à l'abstraction, la magie d'une parole (DADA), les ayant mis (par sa simplicité de ne rien signifier), veaux devant la porte d'un monde présent: vraiment trop forte éruption pour leur habitude de se tirer facilement d'affaire.

    [texte sur deux colonnes]

    Pour lancer un manifeste, il faut vouloir A.B.C.
    foudroyer contre 1.2.3.
    s’énerver et aiguiser les ailes pour conquérir et répendre de petits et de grands a.b.c.
    signer, crier, jurer, arranger la prose sous une forme d'évidence absolue, irréfutable, prouver son nonplusultra et soutenir que la nouveauté ressemble à la vie comme la dernière apparition d'une cocotte prouve l'essentiel de Dieu. Son existance fut déjà prouvée par l’accordéon, le paysage et la parole douce. imposer son A.B.C. est une chose naturelle, — donc regrettable. Tout le monde le fait sous forme de cristalbluffmadone, système monétaire, produit pharmaceutique, jambe nue conviant au printemps ardent et stérile. L'amour de la nouveauté est la croix sympathique, fait preuve d'un je-m’en-foutisme naïf signe sans cause, passager, positif. Mais ce besoin est aussi vieilli. En documentant l'art avec la suprême simplicité: nouveauté, on est humain et vrai pour l'amusement, impulsif vibrant pour crucifier l'ennui. Au carrefour des lumières si alertes, attentif en guettant les années, dans la forêt.
    J'écris un manifeste et je ne veux rien, je dis pourtant certaines choses, et je suis par principe contre les manifestes, comme je suis aussi contre les principes (décilitres pour la valeur morale de toute phrase — trop de commodité ; l'approximation fut inventée par les impressionnistes.) J'écris ce manifeste pour montrer qu'on peut faire les actions opposées ensemble, dans une seule fraîche respiration ; je suis contre l'action ; pour la continuelle contradiction pour affirmation aussi; je ne suis ni pour ni contre et je n'explique car je hais le bon-sens.
    DADA — voilà un mot qui mène les idées à la chasse; chaque bourgeois est un petit dramaturge, invente des propos différents, au lieu de placer les personnages convenables à la qualité de son intelligence, chrysalides sur les chaises cherche les causes ou les buts (suivant la méthode psycho-analytique qu'il pratique) pour cimenter son intrigue, histoire qui parle et se définit. Chaque spectateur est un intriguant, s'il cherche à expliquer un mot: (c o n n a î t r e !) Du refuge ouaté des complications serpentines il laisse manipuler ses instincts. De là les malheurs de la vie conjugale.
    Expliquer: Amusement des ventrerouges aux moulins de crânes vides.

    Dada ne signifie rien.

    Si l'on trouve futile et l'on ne perd son temps pour un mot qui ne signifie rien...
    La première pensée qui tourne dans ces têtes est l'ordre bactériologique : trouver son origine étymologique, historique ou psychologique, au moins. On apprend dans les journaux que les nègres Krou appellent la queue d'une vache sainte : DADA. Le cube et la mère en une certaine contrée d'Italie : D A D A. Un cheval en bois la nourrice, double affirmation en russe et en roumain : DADA. Des savants journalistes y voient un art pour les bébés, d'autres saints jésusappellantlespetitsenfants du jour, le retour à un primitivisme sec et bruyant, bruyant et monotone. On ne construit sur un mot la sensibilité; toute construction converge à la perfection qui ennuie, idée stagnante d'un marécage doré, relatif produit humain. L'œuvre d'art ne doit pas être la beauté en : elle-même, car elle est morte ; ni gaie ni triste, ni claire ni obscure, réjouir ou maltraiter les individualités en leur servant les gâteaux des auréoles saintes ou les sueurs d'une course cambré à travers les atmosphères. Une œuvre d'art n'est jamais belle, par décret, objectivement, pour tous. La critique est donc inutile, elle n'existe que subjectivement, pour chacun, et sans le moindre caractère de généralité. Croit-on avoir trouvé la base psychique commune à toute l'humanité ? L'essai de Jésus et la bible couvrent sous leurs ailes larges et bienveillantes: la merde, les bêtes, les journées. Comment veut-on ordonner le chaos qui constitue cette infinie informe variation : l'homme? Le principe : « aime ton prochain » est une hypocrisie. « Connais-toi » est une utopie, mais plus acceptable, contient la méchanceté aussi. Pas de pitié. Il nous reste après le carnage, l'espoir d'une humanité purifiée.
    Je parle toujours de moi puisque je ne veux convaincre, je n'ai pas le droit d'entraîner d'autres dans mon fleuve, je n'oblige personne à me suivre et tout le monde fait son art à sa façon, s'il connaît ta joie montant en flèches vers les couches astrales, ou celle qui descend dans les naines aux fleurs de cadavres et de spasmes fertiles. Stalactytes : les chercher partout, dans les crèches agrandis par la douleur, les yeux blancs comme les lièvres des anges.
    Ainsi naquit DADA*) d'un besoin d'indépendance, de méfiance envers la communauté, Ceux qui appartiennent à nous gardent leur liberté. Nous ne reconnaissons aucune théorie. Nous avons assez des académies cubistes et futuristes. Laboratoires d'idées formelles. Fait-on l'art pour gagner l'argent et caresser les-gentils bourgeois? Les rimes sonnent l’assonance des monnaies et l'inflexion glisse le long de la ligne du ventre en profil. Tous les groupements d'artistes ont abouti à cette banque en chevauchant sur de diverses comètes, La porte ouverte aux possibilités de se vautrer dans les coussins et la nourriture.
    Ici nous jetons l'ancre, dans la terre grasse. Ici nous avons le droit de proclamer car nous avons connu les frissons et l'éveil. Revenants ivres d'énergie nous enfonçons le triton dans la chair insoucieuse. Nous sommes ruissellements de malédictions en abondance tropique de végétations vertigineuses, gomme et pluie est notre sueur, nous saignons et brûlons la soif, notre sang est vigueur.
    Le cubisme naquit de la simple façon de regarder l'objet : Cézanne peignait une tasse 20 centimètres plus bas que ses yeux les cubistes la regardent tout d'en haut; d'autres compliquent l'apparence en faisant une section perpendiculaire et en l'arrangeant sagement à côté. (Je n'oublie pourtant les créateurs, ni les grandes raisons et la matière qu'ils rendirent définitive). Le futuriste voit la même tasse en mouvement, succession d'objets un à coté de l'autre et ajoute malicieusement quelques lignes-forces, Cela n'empêche que la toile soit une bonne ou mauvaise peinture destinée au placement des capitaux intellectuels.

    Le peintre nouveau crée un monde, dont les éléments sont aussi tes moyens, une œuvre sobre et définie, sans argument. L'artiste nouveau proteste: il ne peint plus /reproduction symbolique et illusionniste/ mais crée directement en pierre, bois, fer, étain, des rocs des organismeslocomotives pouvant être tournés de tous les cotés par le vent limpide de la sensation momentanée. Toute œuvre picturale ou plastique est inutile ;

    [note en pied]

    *) en 1916 dans le CABARET VOLTAIRE, Zurich.

    [p.2]

    qu'elle soit un monstre qui fait peur aux esprits serviles, et non douceâtre pour orner les réfectoires des animaux mis en costumes humains, illustrations de cette fable de l'humanité .—
    Un tableau est l'art de faire se rencontrer deux lignes géométriquement constatées parallèles, sur une toile, devant nos yeux dans une réalité qui transpose sur un monde à d'autres conditions et possibilités. Ce monde n'est pas spécifié ni défini dans l'œuvre, appartient dans ses innombrables variations au spectateur. Pour son créateur, elle est sans cause et sans théorie.
    Ordre = désordre, moi = non-moi, affirmation = négation : rayonnements suprêmes d'un art absolu. Absolu en pureté de chaos cosmique et ordonné, éternel dans la globule seconde sans durée sans respiration sans lumière sans contrôle. J'aime une œuvre ancienne pour sa nouveauté, Il n'y a que le contraste qui nous relie au passé. Les écrivains qui enseignent la morale et discutent ou améliorent la base psychologique, ont, à part un désir caché de gagner, une ridicule connaissance de la vie, qu'ils ont classifiée, partagée, canalisée; ils s'entêtent à voir danser les catégories lorsqu'ils battent la mesure. Leurs lecteurs ricanent et continuent: à quoi bon ?

    Il y a une littérature qui n'arrive jusqu'à la masse vorace. Œuvre de créateurs, sortie d'une vraie nécessité de l'auteur et pour lui-même. Connaissance d'un suprême égoïsme, où les lois s'étiolent. Chaque page doit explorer, soit par le sérieux profond et lourd le tourbillon, le vertige, le nouveau, l'éternel par la blague écrasante, par l'enthousiasme des principes ou par la façon d'être imprimée. Voila un monde chancelant qui fuie, fiancé aux grelots de la gamine infernale, voilà de l'autre côté : des hommes nouveaux. Rudes, bondissants, chevaucheurs de hoquets. Voila un inonde mutilé et les médicastres littéraires en mal d'amélioration.

    Je vous dis : il n'y a pas de commencement et nous ne tremblons, nous ne sommes pas sentimentaux. Nous déchirons, vent furieux le linge des nuages et des prières, et préparons le grand spectacle du désastre, l'incendie, la décomposition. Préparons la suppression du deuil et replaçons les larmes par les sirènes tendues d'un continent à l'autre. Pavillons de joie intense et veufs de la tristesse du poison. DADA est l'enseigne de l'abstraction; la réclame et les affaires sont aussi des éléments poétiques.
    Je détruis les tiroirs du cerveau, et ceux de l'organisation sociale : démoraliser partout et jeter la main du ciel en enfer, les yeux de l'enfer au ciel, rétablir la roue féconde d'un cirque universel dans les puissances réelles et la fantaisie de chaque individu.

    La philosophie est la question : de quel côté commencer à regarder la vie, dieu, l'idée, ou les autres apparitions. Tout ce qu'on regarde est faux. Je ne crois pas plus important le résultat relatif, que le choix entre gâteau et cerises après dîner. La façon de regarder vite l'autre côté d'une chose, pour imposer indirectement son opinion, s'appelle dialectique, c'est-à-dire marchander l'esprit des pommes frites, en dansant la méthode autour.

    Si je crie:
      Idéal, idéal, idéal,
      Connaissance, connaissance, connaissance,
      Boumboum, boumboum, boumboum,

    j'ai enregistré assez exactement le progrès, la loi, la morale et toutes les autres belles qualités que de différents gens très intelligents ont discuté dans tant de livres pour arriver à la fin, à dire que tout de même chacun a dansé d'après son boumboum personnel, et qu'il a raison pour son boumboum, satisfaction de la curiosité maladive; sonnerie privée pour besoins inexplicable ; bain ; difficultés pécuniaires ; estomac avec répercussion sur la vie ; autorité de la baguette mystique formulée en bouquet d'orchestre-fantôme aux archets muets, graissés de philtres à base d'ammoniaque animal. Avec le lorgnon bleu d'un ange ils ont fossoyé l'intérieur pour vingt sous d'unanime reconnaissance. Si tous ont raison, et si toutes les pilules ne sont que Pink, essayons une fois de ne pas avoir raison. On croit pouvoir expliquer rationnellement, par la pensée, ce qu'on écrit. Mais c'est très relatif. La pensée est une belle chose pour la philosophie mais elle est relative. La psycho-analyse est une maladie dangereuse, endort les penchants anti-réels de l'homme et systématise la bourgeoisie, il n'y a pas de dernière Vérité. La dialectique est une machine amusante qui nous conduit /d'une manière banale/ aux opinions que nous aurions eu en tout cas. Croit-on, par le raffinement minutieux de la logique, avoir démontré la vérité et établi l'exactitude de ces opinions? Logique serrée par les sens est une maladie organique. Les philosophes aiment ajouter à cet élément : Le pouvoir d'observer. Mais justement cette magnifique qualité de l'esprit est la preuve de son impuissance. On observe, on regarde d'un ou de plusieurs points de vue, on les choisit parmi les millions qui existent. L'expérience est aussi un résultat de l'hasard et des facultés individuelles. La science me répugne dès qu'elle devient spéculative-système, perd son caractère d'utilité — tellement inutile — mais au moins individuel. Je hais l'objectivité grasse et l’harmonie, cette science qui trouve tout en ordre. Continuez, mes enfants, humanité... La science dit que nous sommes les serviteurs de la nature : tout est en ordre, faites l'amour et cassez vos têtes. Continuez mes enfants, humanité, gentils burgeois et journalistes vierges... Je suis contre les systèmes, le plus acceptable des systèmes est celui de n'avoir par principe aucun. Se compléter, se perfectionner dans sa propre petitesse jusqu'à remplir le vase de son moi, courage de combattre pour et contre la pensée, mystère du pain déclanchement subit d’un hélice infernale en lys économiques :

    La spontanéité dadaïste.

    Je nomme jem'enfoutisme l'état d'une vie où chacun garde ses propres conditions, en sachant toutefois respecter les autres individualités sinon se défendre, le two-step devenant hymne national, magasin de bric-à-brac, T. S. F. téléphone sans fil transmettant les fugues de Bach réclames lumineuses et affichage pour les bordels, l'orgue diffusant des œillets pour Dieu, tout cela ensemble, et réellement, remplaçant la photographie et le catéchisme unilatéral.
    La simplicité active.
    L'impuissance de discerner entre les degrés de clarté; lécher la pénombre et flotter dans la grande bouche remplie de miel et d'excrément. Mesurée à l'échelle Eternité, toute action est vaine — (si nous laissons la pensée courir une aventure dont le résultat serait infiniment grotesque — donnée importante pour la connaissance de impuissance humaine). Mais si la vie est une mauvaise farce, sans but ni accouchement initiel et parce que nous croyons devoir nous tirer proprement, en chrysantèmes lavées de l'affaire, nous avons proclamé seule base d'entendement : l'art. Il n'a pas l'importance que nous, reîtres de l'esprit, lui chantons depuis des siècles. L'art n'afflige personne

    [p. 3]

    et ceux qui sachent s'y intéresser recevront des caresses et belle occasion de peupler le pays de leur conversation. L'art est une chose privée, l'artiste le fait pour lui; une œuvre compréhensible est produit de journaliste, et parce qu’il me plaît en ce moment de mélanger ce monstre aux couleurs à l'huile: tube en papier imitant le métal qu'on presse et verse automatiquement haine lacheté vilenie. L'artiste le poète se réjouit du venin de la masse condensée en un chef de rayon de cette industrie, il est heureux en étant injurié: preuve de son immuabilité. L'auteur, l'artiste loué par les journaux constate la compréhensibilité de son œuvre : misérable doublure d'un manteau à utilité publique; haillons qui couvrent la brutalité, pissat collaborant à la chaleur d'un animal couvant les bas instincts. Flasque et insipide chair se multipliant à l'aide des microbes typographiques.
    Nous avons bousculé le penchant pleurnichard en nous. Toute filtration de cette nature est diarhée confie. Encourager cet art veut dire la digérer. Il nous faut des œuvres fortes droites précises et à jamais incomprises. La logique est une complication. La logique est toujours fausse. Elle tire les fils des notions, paroles, dans leur extérieur formel, vers des bouts des centres illusoires. Ses chaînes tuent, myriapode énorme asphyxiant l'indépendance.

    Marié à la logique l'art vivrait dans l'inceste, engloutissant, avalant sa propre queue toujours son corps, se forniquant en lui-même, et le tempérament deviendrait un cauchemar goudroné de protestantisme, un monument, un tas d'intestins grisâtres et lourds.
    Mais la souplesse, l'enthousiasme et même la joie de l'injustice, cette petite venté que nous pratiquons innocents et qui nous rend beaux: nous sommes fins et nos doigts sont malléables et glissent comme des branches de cette plante insinuante et presque liquide; elle précise notre âme, disent les cyniques. C'est aussi un point de vue; mais pas toutes les fleurs sont saintes, heureusement, et ce qu'il y a de divin en nous est l'éveil de l'action anti humaine. Il s'agit ici d'une fleur en papier pour la boutonnière des messieurs qui fréquentent le bal de la vie masquée, cuisine de la grâce, blanches cousines souples ou grasses. Ils trafiquent avec ce que nous avons sélectionné. Contraditiction et unité des pollaires dans un seul jet, peuvent être vérité. Si l'on tient en tout cas à prononcer cette banalité, appendice d'une moralité libidineuse, mal odorante. La morale atrophie comme tout fléau fabricat de l'intelligence, Le contrôle de la morale et de la logique nous ont infligé l'impassibilité devant les agents de police — cause de l'esclavage, rats putrides dont les bourgeois en ont plein le ventre, et qui ont infecté les seuls corridors de verre clairs et propres qui restèrent ouverts aux artistes.
    Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructif, négatif à accomplir. Balayer, nettoyer. La propreté de l'individu s'affirme après l'état de folie, de folie agressive, complète, d'un monde laissé entre les mains des bandits, qui se déchirent et détruisent les siècles. Sans but ni dessein, sans organisation : la folie indomptable, la décomposition. Les forts par la parole ou par la force survivront, car ils sont vifs dans la défense, l'agilité des membres et des sentiments flambe sur leurs flancs facettés.
    La morale a déterminé la charité et la pitié, deux boules de suif qui ont poussé comme des éléphants, des planètes et qu'on nomme bonnes. Elles n'ont rien de la bonté. La bonté est lucide, claire et décidée, impitoyable envers le compromis et la politique. La moralité est l'infusion du chocolat dans les veines de tous les hommes, Cette tâche n'est pas ordonnée par une force surnaturelle, mais par le trust des marchands d'idées et accapareurs universitaires. Sentimentalité: en voyant un groupe d'hommes qui se querelle et s'ennuie, ils ont inventé le calandrier et le médicament sagesse. En collant les étiquettes, la bataille des philosophes se déchaîna (mercantilisme, balance, mesures méticuleuses et mesquines) et l'on comprit pour la seconde fois que la pitié est un sentiment, comme la diarhée aussi, en rapport au dégoût qui gâte la santé, immonde tâche de charognes de compromettre le soleil.
    Je proclame l'opposition de toutes les facultés cosmiques à cette blénoragie d'un soleil putride sorti des usines de la pensée philosophique, la lutte acharnée, avec tous les moyens du

    Dégoût dadaïste.

    Tout produit du dégoût susceptible de devenir une négation de la famille, est dada; proteste aux poings de tout son être en action destructive: dada ; connaissance de tous les moyens rejetés jusqu'à présent par le sexe pudique du compromis commode et de la politesse : dada ; abolition de la logique, danse des impuissants de la création: dada ; de toute hiérarchie et équation sociale installée pour les valeurs par nos valets: DADA; chaque objet, tous les objets, les sentiments et les obscurités, les apparitions et le choc précis des lignes parallèles, sont des moyens pour le combat: DADA; abolition de la mémoire: DADA; abolition de l'archéologie : DADA; abolition des prophètes: DADA, abolition du futur : DADA; croyance absolue indiscutable dans chaque dieu produit immédiat de la spontanéité : DADA ; saut élégant et sans préjudice, d'une harmonie à l'autre sphère ; trajectoire d'une parole jetée comme un disque sonore cri ; respecter toutes les individualités dans leur folie du moment: sérieuse, craintive, timide, ardente, vigoureuse, décidée, enthousiaste ; peler son église de tout accessoire inutile et lourd ; cracher comme une cascade lumineuse la pensée désobligente ou amoureuse, ou la choyer — avec la vive satisfaction que c'est tout-à-fait égal — avec la même intensité dans le buisson, pur d'insectes ; pour le sang bien né, et doré de corps d'archanges, de son âme. Liberté : DADA DADA DADA, hurlement des couleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques des inconséquences : LA VIE.

    TRISTAN TZARA.

    Sopra un quadro cubista

    a Tristan Tzara

    Altalena in grovigli d'azzurro nella finestra spalancata sul quadro del nulla
    dove tre coni di luce baclano la fredda pazzia degli specchi
    E la sonorità delle città metalliche precipita
    Suono di partenza nel sacrificio di un monedo di latta e cristallo
    dall'arco che ritorna a specchiarsi dopo il primo giro in basso
    Gli incantesimi nello scoppio della notte
    Fiorite di sorrisi meridiani
    Se l'incantesimo c'è nell'arco di vetro il crepuscolo suona partenza

    1916

    GIUSEPPE RAIMONDI

    [p. 4]

    Regard

    Assis sur l'horizon
    Les autres vont chanter
    Et nous nous avons regardé
    La voiture en passant souleva
    la poussière
    Et tout ce qui traînait retomba
    par derrière
    Mon œil suivant ainsi la ligne des ornières
    Il s'étirait sans en souffrir
    Ton regard le faisait rougir
    Et cette voix qui pleure
    Sans soulever un souvenir
    Est devenue meilleure
    Il n'y a plus rien que ton regard
    Et devant toi tous ceux qui t'offensèrent

    Avant l'heure

    Elle est allumée
    On ne voit plus qu'elle
    Et le cœur triangulaire
    qui brille au soleil
    Une matinée
    Une aube nouvelle
    Mais la journée amère
    qui reste pareille

    Salué en passant quelques yeux inconnus
    Où passe le regard que chacun emporte
    Et le nom que l'on a cloué
    Sur chacune des deux portes
    J'ai crié en frappant
    On ne répondait pas

    J'ai pleuré en partant
    Sans qu'aucun ne me voie
    Et toute la tristesse est restée enfermée
    Attendant le soleil qui ouvre les fenêtres
    Et les desseins obscurs qui roulent dans ma tête

    PIERRE REVERDY

    [p. 5]

    Le goût est fatiguant comme la bonne compagnie

    Salive américaine

    L'estomac domino mécanique
    des bedaines brouillard
    bavarde au pas de course poussière
    et subit la sécheresse du sherry en ballon.
    Un radis fantastique se cabre
    en tesson de bouteille
    auprès de la truite téléphone.
    Sans un carnet de poche Zanzibar
    le nu vient sans moyens de transport.
    Cela me rappelle les nœuds de cravates
    seuls en wagon.
    L'escalier tousse avec le bec de gaz
    mes frères !

    FRANCIS PICABIA

    [texte orienté à 90 degrés vers la gauche]

    La joie des sept couleurs
    (Fragment)

    C'est un homme enfermé dans une projection
    Inutile de lui demander le nom de la rue où il est
    Elles sont deux mais il n'y en a qu'une
    A bientôt nous sommes encore ici peut-être pour
    Redoutablepossibilitédeschosesquinesontpasencor
    Kac Kec Kic koc kuc kac kec kic kac
    Un sourire a passé entouré de dentelles
    Nous ne marchons jamais dans le même sens
    C'est pourquoi je dis nous nous rencontrerons
    Il y a des gens qui passent dans la projection
    Et qui ne sont pas éclairés cor cor encor accord
    Sous les sons les sons sont saouls suçons
    Personne n'a jamais vu le moteur qui produit la lumière
    Ils sont bien obligés de devenir quelquefois inhu‑
    Mains le petit oiseau mangera le serpent
    Noir et blanc le projecteur est sur l'autre trottoir

    PIERRE ALBERT-BIROT

    [p. 6, version internationale]

    Regie

    Opernprobe. (Vor-Börse ; Schwellung.)
    Gold im Gebiss, Gold im Lächeln, der chef d'orchestre. Skandiert.
    Rhythme der Strasse, der Piazza. Ballet fällt nach links.
    Niedliche Disciplin.
    Flöten rühren die Probe auf.
    Um die Ecke zacken Blitze, lila;
    lila Zig-zags;
    happy zig-zags, vom Brandy-Mond;
    lila Kuben um die Ecke.
    Schwefelpfeile surren durchaus.
    Strahl in Bündeln, Licht in Schnitten.
    Gelbe Garben rasen.
    Gell hetzen die Hellen.
    Reflektoren zischen, in der Tat. Lichtgüsse knattern
    O Feststellungen klarer Augen !
    Ein Scheinwurf von Mädchenröcken, mäandrisch.
    Scheinwerfer im Galopp gebrochner Graden.
    Netter Fall nach links, gebräunt.
    Diese Oper concipiert Gott als Drogue.
    Da: Telegramme, réponse payée : spitzere Reisen! gehetztere Bahn! frechere Cascaden!
    plärrenderes Rot! Geplärr und Knall in Rot!
    Ein Zirpen der Elektro-Mücken, bei Seite, für die Rasta-Rastas.
    Tk-wird eingeschaltet Quecksilber, phtisisches Lila, Motor-keuchen, fliehende Wellen aus Honig und Duft. Exakt rast diese Oper. Sie spurtet, wie sie will.
    Auf dieser Scene, knisternd, schneiden sich die Einsamkeiten.
    Neuro-Katarakte. Präcisions-Inferno. Sehr dosierter Wahnsinn.
    ...... Blute der Sessel: „Tausend Aufführungen garantiert!" Kapellmeister's Stirn beperlt
    Notierungen. Durch mehrere Hirne kribbelt eine Serie triumphierender Ziffern.

    Ferdinand HARDEKOPF

    [p. 6, version française]

    Flamme

    Une enveloppe déchirée aggrandit ma chambre
    Je bouscule mes souvenirs
    On part

    J'avais oublié ma valise

    PHILIPPE SOUPAULT

    Mörar

    a Thédis Griffini
    animaletto ghiribizzoso.

    Altipiano. Collinette soavi come seni di fanciulla. Su una, laggiù, degli alberelli verdegialli disposti curiosamente su quattro cinque file. Cascinali sfondati allegri.

    All'alba si cammina sulla carta vetrata. Aghi minuzzoli di vetro pertutta. Ogni pozzanghera una lastra. Povere di vetro imbianca e irrigidisce l'erba. Tutto cigola e brilla.
    Alla carezza del sole la conca si distende in una beatitudine calma. Si scambia la luna con una nuvoletta trasparente.

    Il tramonto ne fa un quadro futurista. Penellate giustapposte senza passaggi. Striscioni di arancione di viola cupo, d'ardesia, che sono i monti lontani ; interrotti da chiazze abbaglianti: le cime nevate.

    Più tardi i colori si fondano. Il cielo si sbava di viola con presentimenti d'oro. Armonie nascono che l'occhio coglie con la premura delle gioie uniche e intrattenibili. Delicatezze, iridescenze da bolla di sapone. A momenti si vive in un vetro soffiato.
    Infine la nebbiolina annega l'altipiano nel vago. Isolotti vi naufragano i cascinali. La luna è un imbuto celestino e la tinta contagiosa crea al paesaggio un'atmosfera irreale.
    Sughero galleggio in questa incerto.

    (La guerra dov'è?)

    CAMILLO SBARBARO

    [p. 7]

    Crayon bleu

    Poème à trois voix si simultanées

    il fait beau dans mon cœur
    pan - pan - pan pan - pan - pan - pan
    — — — — — — — — —

    cinémademapenséequejetourneenpleinair
    krii krrii

    merci bonsoir

    des forêts des forêts des forêts
    Atchou

    je lui dirai

    des monts des mers des villes
    pron - prou - prou drrrrr

    Jean viens ici

    allons va va mais va donc

    rououououououou
    — — — — — —

    des monstres va
    — — — — — — — —

    vendredi

    des mondes va
    toc-toc toc-toc
    tu dors

    des soleils va
    zzzzzzzzzzz
    — — — — — — —

    o diaphanes réalités
    — — — — — —

    de l'autre côté

    Luminosités
    si tu veux

    des étés
    clac clac
    — — — — —

    où avez-vous été
    vrrrron — vrrrrrrron — vrrrrrron
    — — — — — — — — —

    donnez-moi de la matière
    — — — — — — — — — — —

    veux-tu te taire

    que je chante à pleine pâte
    — — — —

    Edgar

    que mon poème ait une âme
    houi — houi — houi
    — — — — — — — — — —

    et des tripes

    — — — —
    offensive

    Je pars et je suis revenu
    — — — — — — — — —

    ah ma pauv' dame

    c'est un ballon captif

    whou — whou ——— whou — whou
    — — — — — — —

    que ne puis-je aboyer un poème
    les 3 voix à l'unisson (imitatif) :

    whou — whou — whou
    whou — whou — whou
    whou — whou — whou

    PIERRE ALBERT-BIROT

    Guillaume Apollinaire

    est mort — descendit comme cette «pluie» fièvreuse qu'il avait composée avec tant de soins pour une revue parisienne ;|; vont les trains, les dreagtnoughts, les variétés et les usines hisser le vent du deuil pour le plus vivace le plus alerte le plus enthousiaste poète français ?-? - la brume ne suffit, ni la clameur majeure ;-; sa saison aurait dû être la joie de la victoire, de la nôtre, celle des nouveaux travailleurs de l'obscur, du verbe, de l'essence :-: il connaissait le moteur de l'étoile, la dose exacte du tumulte et du discret, et avait compris qu'elle doit venir. — Son esprit était galop de clarté et la grêle des paroles fraîches l'escortent de leurs noyaux hyalins (les anges).
    Il rencontrera Henri Rousseau - Apollinaire est mort ?

    TZARA

    [p. 8]

    Bâton

    Aile droite au chapeau
    bâton fleuri
    la Pentecôte
    Et la lumière des averses
    Sous un auvent
    siffle indolence
    L'été a la trogne vineuse
    Nos têtes dans l'ombre se cherchent
    Maraudeur râlant sur l'éteule
    ta saison féconde s'achève
    Langue rose aux fleurs de sainfoin
    Coq d'acier fais vibrer ta crête
    Voici les œufs sur le chemin
    La carriolle court à la fête

    Mémoire . . .
    Toutes les mouches du matin
    Se sont abattues sur mes mains

    Ai-je vécu déjà d'autres instants pareils
    Un coup de vent
    Eh la mariée
    La saison des roses
    est passée

    PAUL DERMÉE

    [p. 9, version internationale]

    Der Idealist

    Zerknautschte Jungfrau mit den Hängebrüsten,
    Gedenkst du noch ? Ich traf dich in der Tram.
    Und wie wir uns am Lützowplatze küssten?
    Ein Schutzmann schob sich drohend übern Damm.

    „Natur! Natur! für fünf Mark siebzig!
    „Das Männchen schenkt... das Weibchen winkt...
    „Man träumt nicht erst und stelt verliebt sich...
    „Tja! Wir sind ehrlich zum Instinkt“

    Doch ach! Sie fand, es sei zu billig,
    Das hat sie vor ihr selbst geniert.
    Er - hat in ihres Hemdes Drillich
    Von Seidenhöschen phantasiert.

    Darauf, obzwar auf der Treppe vor einem
    Tripper noch düstere Angst ihn durchfuhr,
    Schwor er ohne Reue Treue
    Dennoch nochmals trotzig seinem
    Losungswort Natur! Natur!

    JAKOB VAN HODDIS

    Die Arbeiten von Hans Arp

    Man setzt die Kenntnis des neuen Standpunktes u. ausgedehntes Verständnis für modernste Entwickelungen in der bildenden Kunst voraus.

    Mit Picasso und den Kubisten löst sich die alte Perspektive auf, die Modelle fliehen, die schönsten Staffeleien und Cylinderhüte gehen aus dieser Welt. Das Bild, welches seine illusionistischen Moralwerte verloren hat, versucht eine vielfache Bedeutung zu haben, es sucht sich ein neues Publikum, eine Gesellschaft von begeisterten und sehr frommen Menschen. Dazu greift es mit allen Farben und Formen aus seinem Keilrahmen heraus. Es bekommt Arme und Hände, es wünscht sich eine offene Brust um den buddhistischen Götterbildern zu gleichen, unter denen man die grossen wohlriechenden Feuer anzündete. Es will Menschenseelen fressen, wie jene die Leiber der Kindlein frassen.

    Das Thema verliert jede philosophische Realität, sodass mit diesen Bildern nicht der Versuch gemacht wird, die Welt zu erklàren oder ein filr oder wider an Ansichten jeder Art durch Kunst zu vertreten. Die Abstraktion ist so feierlich und bäuerlich bedachtsam, dass am Ende der Entschlüsse die Senkrechte wichtig wird. Die Kunst Hans Arps ist die erste, die nach der Wertänderung der Kubisten ein Dogma gefunden hat, in welchem alle Schwierigkeiten gelöst sind, sowie Krämpfe und Spasmen gelöst sind.

    Die Welt ist gross und voller Wunder. Die Wunder sind die seltsamsten Abstraktionen und geistigen Willenswesen weit hinter den Dingen. Gott sprach, da ward aus Abend und Morgen der erste Tag. Ein neuer Wille zur Geistigkeit ist wiedergekommen auf uns Propheten, er ist fanatisch, brennend, hallend in seinem Eifer. Es könnte sich um die Affichen von Inquisitoren handeln, die zeitweilig mit dem Tode und harten öffentlichen Exkommunikationen drohen.

    Jemand könnte sich vor diese Bilder hinstellen und folgende phantastische Litanei herbeten: Die Götterbilder sind rotglühende Bratpfannen auf den Quadern, die den ach so streng rythmisierten Tanz beginnen. Das Sphärische ist so kompakt wie die Villas der gut gescheitelten Grundbesitzer — Mirabile dictu — und wer wollte daran zweifeln, dass die Elephanten auf diesen Kurven mit inniger Freude gleiten. Grosse Zuckerdüten haben sie auf den Köpfen, Kaleidoskope und Drehorgeln. Die Bauern schiessen Kobolz von der Höhe ihrer Ziegeldächer (Zinnober, tausend mal Zinnober und dann beim Schlag der Pauke die Güte eines gut preussisch blauen Himmels) — o die Bauern, die ihreCelluloidgesässe zwischen den Tulpenbeeten aufspannen. O furor rusticus und o Cottillon der Krokodile. Ueber den Flüssen aber siehst du, berauschter Zuschäuer, eine Felswand, aus zylindrisch gestaffeltem Papiermaché, zusammengesetzt aus der Schönheit des Berliner Tageblatts, Postzetteln und Cigarettenpapier. Die zweidimensionalen Witwen sind schon auf die Wäscheleinen gespannt — welche Kirche hat hier keinen Schornstein — und welcher Schornstein wäre nicht (gegebenenfalls) Sprachrohr für den Brunstschrei herrlicher Neger!

    Langsam und sehr schnell haben die Philosophieen ein tiefes, seliges Ende gefunden. Für den ganz Raffinierten, der dem ganz Primitiven der Verwandteste ist, bleiben die Fresken dicht vor den Augen. Wer bezweifelt nun noch der Geometrie irrwitzige Ueberlegenheit. Die Music-hall starb und das Auto löschte sich aus. Die grosse Senkrechte kam mit dem Pomp des besiegten Jahrhunderts. Sie ist das Gesetz der Schwere, sie ist das Gesetz der Statik, und von ihr aus rasen die geteilten Flächen, von ihr aus schwirren die Parabeln und Ellipsen (Bumerang! Bumerang!)

    Wir halten die Schweinsblase in der Hand und fangen das brennende Werg mit den Ohren auf. Wir sind feierlich und so melancholisch, wir alten Priester. Im Taie schlâgt man die grossen Kesselpauken, es steigt die Zinnoberflut, die Porzellansterne fallen herab — eioéh eioéh — wir sind so feierlich und ernsthaft um diese Stunde. Wir haben die kleinen Dinge verlernt, wir rissen die Hyazinthen von unserm Kopf, wir klappten die Erde aus unserm Bauch. Das bedeutet, dass wir sehr feierlich sind. Haben wir jemals mehr Grund gehabt, uns toller, schöner, wahnwitziger, feierlicher zu gebärden ? — jemals mehr Grund gehabt, den glühenden Rauch aus unserer Nase zu blasen und stolzer zu sein? Wir schlugen ein Vierteljahrhundert tot, wir schlugen einige Jahrhunderte tot zu Gunsten dessen, was durch uns kommt. Ihr könnt es nennen wie ihr wollt : Chirurgie, Kleptomanie, Kallographie; denn es heisst immer nur: Wir sind, wir haben etwas gearbeitet — Revolution, Reaktion, Extrablatt: wir sind — wir sind — am ehesten noch Dada — am ehesten noch ein Wort, dessen Phantastik unerfindlich ist.

    RICHARD HUELSENBECK

    Von RICHARD HUELSENBECK sind 1916 in der Collection DADA erschienen : „ Phantastiche Gebete" (3 Frs ) und „Schalaben,Schalabai,Schalamezomai“ 1 Fr.

    [p. 9, version française]

    Seconde origine de la voie lactée

    Il appert à des signes indéniables, que nous avons escaladé la crise préparatoire. Le problème psychologique de l'heure touche à sa fin.
    Campons-nous donc, les jambes bien larges et l’œil bien fixe, en face du problème succédant — ébauché par nos prédécesseurs, et qu’il sied à nous de parfaire — : la métaphysique de l'heure !
    Ne vous alarmez pas pour l’étroite liaison où je marie art et philosophie.
    Ne pas se raidir dans la podagre théorique, ni s'engouffrer dans les engrenages du doctrinalisme ;
    mais par « l’amitié du savoir » marquer l'état de grâce que l'on atteint par la suprême intelligence.
    Si l'on réussit à unir indissolublement l'organique de l'art avec l'état philosophique, nous n'essuierons plus l'humiliation de nous voir traités de gouapes et de malpeignés...
    et nous ne blesserons point non plus la charmante et sublime légèreté que la littérature, depuis Stendhal, et la peinture, depuis Cézanne, nous avaient rendue coutumière...
    car c'est bien de là que le laitage philosophique découle abondamment.
    Les libres bonds de la pensée, les progrès de la plastique, la pureté des conceptions, se fécondent sans relâche par l'exaltation croissante de la philosophie... qui nous précède continuellement comme un beau nuage tentateur...
    ce qui n'implique pas le moins du monde la manière plate et massive...
    Zola employa des formes granitiques et ferrugineuses pour ne raconter que des balivernes.
    Grâce à la merveilleuse perspicacité d'Héraclite d'Ephèse, il existe un codex, daté de la soixante-neuvième olympiade, qui différencie géométriquement:
    science-esthétique ... intelligence.

    Prononçons le credo de l'antisocialisme:
    „Il y a disparité entre les hommes. La société n'existe qu'en tant que matière, — moralement c'est une conjecture —.
    Les raisons singulières, réunies en faisceau, n'informent point une monade compacte dans son unité : ce n'est qu'un amas diaphane et moléculaire, libre de contours, de marches, de frontières.
    Pourtant l'opinion publique est d'une élasticité merveilleuse : changeante, tournante, multi-faciale : phare sans lumière, car en effet elle ne brille pas —. Devant chaque éventualité nouvelle, elle place une nouvelle façade, avec un à propos aussi commode qu'involontaire.
    Même jeu en politique : l'histoire enseigne !

    La question qu'uniquement nous intéresse: l'amour et l'étude d'une psychologie extrahumaine. Fonder une sorte de stendhalianisme universel.
    Déterminer, par la substance de l'art, l'aspect violent de la sublime imperfection de la vie...
    Le monde est parfait, disait Plotin, mais à condition de lui laisser toutes ses laideurs.
    Nous sommes des féticheurs civilisés. Arrachons l'âme à toute chose : de la montagne jusqu'à la tabatière.

    Rondeau

    Toutes les idéologies,
    toutes les signalations,
    toutes les formographies,

    en de flèches droites comme les rayons d'une roue convergeant vers l'articulation centrale, se sont exquisément penchés vers les arts, dans l'enlacement circulaire d'un cadran de boussole ou de la rose figurative des vents.
    C'est pourquoi l'art pénètre désormais dans de voies non moins géographiques qu'astronomiques.

    Sur la même horizontale
    les plans de l'architecte babylonien
    ouvrent la marche aux caravelles de Cristophe Colomb,
    limaces qui grimpent sur la planète légère comme une pamplemousse
    lancée par l'arbalète d'un appareil orthopédique,
    dans l'arc exquis du ciel youcatanais.
    „C'est la poésie et la peinture, messieurs-dames!“

    La musique, bien que de vieille souche céleste, quoiqu'apparentée à la plus ancienne noblesse planétaire — les mondes dans leurs quadrilles, chantent merveilleusement — reliée aux ferronnières platinées des étoiles... du temps déjà où Pythagore armait les p h t o n g u es de chiffres militaires, comme des armées en manœuvre ; la musique, dis-je, faisant fi de son passé illustre, s'est engluée, comme une putain tertiaire, dans les marécages floraux!...
    par l'influence néfaste de certains musicofacteurs, classifiables un échelon plus bas que les semnopythèques — singes mélancoliques...
    (A ce point l'auteur descend brusquement de la cathèdre d'où ii endoctrine les foules, d'une voix blanche il susurre :

    messieursdam's, aurevoir et merci !
    excusez... je... je... je suis surpris...
    par la colique...

    et s'esquive.)

    ALBERTO SAVINIO

    [p. 11]

    GUILLAUME APOLLINAIRE

    Sa mort me semble encore impossible. Guillaume Apollinaire est un des rares qui ont suivi toute l'évolution de l'art moderne et l'ont complètement comprise, il l'a défendue vaillamment et honnêtement parce qu'il l'aimait, comme il aimait la vie, et toutes les formes nouvelles d'activité. Son esprit était riche, somptueux même, souple, sensible, orgueilleux et enfantin. Son œuvre est pleine de variété, d'esprit et d'invention.

    FRANCIS PICABIA

    Circuit total par la lune et par la couleur
    à Marcel Janco

    l'œil de fer en or changera
    les boussoles ont fleuri nos tympans
    regardez monsieur janco pour la prière fabuleuse
    tropical
    sur le violon de la tour eiffel et sonneries d'étoiles
    les olives gonflent pac pac et se cristalliseront symétriquement
    partout
    citron
    la pièce de dix sous
    les dimanches ont caressé lumineusement dieu dada danse
    partageant les céréales
    la pluie
    journal
    vers le nord
    lentement lentement
    les papillons de 5 mètres de longueur se cassent comme les miroirs
    comme le vol des fleuves nocturnes grimpent avec le feu vers la voie lactée
    les routes de lumière la chevelure les pluies irrégulières
    et les kiosques artificiels qui volent veillent dans ton cœur quand tu penses je vois
    matinal
    qui crie
    les cellules se dilatent
    les ponts s'allongent et se lèvent en air pour crier
    autour des pôles magnétiques les rayons se rangent comme les plumes des paons
    boréal
    et les cascades voyez-vous? se rangent dans leur propre lumière
    au pôle nord un paon énorme déploiera lentement le soleil
    à l'autre pôle on aura la nuit des couleurs qui mangent les serpents
    glisse jaune
    les cloches
    nerveux
    pour l'éclaircir les rouges marcheront
    quand je demande comment
    les fosses hurlent
    seigneur ma géométrie

    TRISTAN TZARA

    [p. 13]

    Etoile qui brille
    Regard humide
    Fil de la vierge
    Pitié
    flotte au vent
    Cette compresse sur mon cœur
    Trop vite trop vite et quel délire
    Quelque chose vient de se casser
    dans la MÉCANIQUE DE MA VIE

    PAUL DERMÉE

    Bulletin

    à Francis Picabia qui saute avec de grandes et de petites idées de New-York à Bex
    A.B. = spectacle
    POUR L'ANÉANTISSEMENT DE L'ANCIENNE BEAUTÉ & Co.
    sur le sommet de cet irradiateur inévitable
    La Nuit Est Amère — 32 HP de sentiments isomères

    Sons aigus à Montevideo âme dégonflée dans les annonces offertes
    Le vent parmi les télescopes a remplacé les arbres des boulevards
    nuit étiquetée à travers les gradations du vitriol
    à l'odeur de cendre froide vanille sueur ménagerie
    craquement des arcs
    on tapisse les parcs avec des cartes géographiques
    l'étendard cravatte
    perce les vallées de gutta percha
    54 83 14:4 formule la réflexion
    renferme le pouls laboratoire du courage à toute heure
    santé stylisée au sang inanimé de cigarette éteinte
    cavalcade de miracles à surpasser tout langage
    de Bornéo on communique le bilan des étoiles
    à ton profit
    morne cortège o mécanique du calendrier
    où tombent les photos synthétique des journées
    „La poupée dans le le tombeau“ (Jon Vinea œil de chlorophylle)
    5ème crime â l'horizon 2 accidents chanson pour violon
    le viol sous l'eau
    et les traits de la dernière création de l'être
    fouettent le cri

    TRISTAN TZARA

    [p. 14]

    Le marin

    Il fait l'amour avec une femme qui n'a qu'une jambe
    l'étroitesse d'un anneau Pondichery
    On a ouvert son ventre qui grince GRIgri
    d'où sortent les bas et les animaux oblongs
    Dans ton intérieur il y a des lampes fumantes
    le marrais de miel bleu
    chat accroupi dans l'or d'une taverne flamande
    BOUM BOUM

    beaucoup de sable bicycliste jaune
    Château Neuf Des Papes
    Manhattan il y a des baquets d'excrément devant toi
    mbaze mbaze bazebaze mleganga garroo
    Tu circules rapidemeni en moi
    Kangourous dans les entrailles du bateau
    attends je vais premièrement arranger mes impressions
    les excursionnistes assis dentelle au bord de l'eau
    enfonce les doigts dans les orbites que la lumière crève granates
    l'Urubu nous regarde — tu dois rentrer dans la ménagerie des intelligences
    l'Urubu s'enracine dans le ciel en ulcère orange
    où vas-tu
    Prestidigitateur moulin à vent coiffures tous les Pygargues sont chancreux
    1915 EGG-NOGG

    TRISTAN TZARA

    [en pied, rotation de 90° vers la gauche]

    Calendrier

    1.
    flacon aux ailes de cire rouge en fleur
    mon calendrier bondit médicament astral d'inutile amélioration
    se dissout à la bougie allumée de mon nerf capital
    j'aime les accessoires de bureau par exemple
    à la pêche des petits dieux
    don de la couleur et de la farce
    pour le chapitre odorant où c'est tout-à-fait égal
    sur la piste réconfort de l'âme et du muscle
    oiseau cralle

    2.
    avec tes doigts crispés s'allongeant et chancelants comme les yeux
    la flamme appelle pour serrer
    est-tu là sous la couverture
    les magazins crachent les employés midi
    la rue les emporte
    les sonnettes des tramways coupent la phrase forte

    3.
    vent désir cave sonore d'insomnie tempête temple
    la chute des eaux
    et le saut brusque des voyelles
    dans les regards qui fixent les abîmes
    à venir à surpasser vécus à concevoir
    appellent les corps humains légers comme des allumettes
    dans tous les incendies de l'automne des vibrations et des arbres
    sueur de pétrole

    4.
    tes doigts chevauchant sur la ciaviature
    peux-tu m'offrir la gamme des hoquets
    je me suis courbé vers toi comme un pont tendu
    dont les pilliers bosculés par la vague ne craquent pas
    et c'est l'incertitude sous une forme de décision glacée
    se déclenchant au mouvement subit des roues
    voilà le muscle de mon cœur qui s'ouvre et crie

    TRISTAN TZARA

    [Quatrième]

    Cow-Boy

    à Jacques Lipschitz

    Sur le Far West
    où il y a une seule lune
    Le Cok Boy chante
    à rompre la nuit
    Et son cigare est une étoile filante
    SON POULAIN FERRÉ D'AILES
    N'A JAMAIS EU DE PANNE

    Et lui
    la tête contre les genoux
    danse un Cake Walk
    New York
    à quelques kilomètres

    Dans les gratte-ciels
    Les ascenseurs montent comme des thermomètres
    Et près du Niagara
    qui a éteint ma pipe
    Je regarde les étoiles éclaboussées

    Le Cow Boy
    sur une corde à violon
    Traverse l'Ohio

    VINCENTE HUIDOBRO

    Table of Contents

    Couverture

    M. Janco : bois

    Page 1

    Tristan Tzara : Manifeste Dada 1918

    Page 3

    Giuseppe Raimondi : Sopra un quadro cubista
    H. Arp : bois

    Page 4

    Pierre Reverdy : Regard
    Arthur Segal : bois
    H. Arp : bois
    Pierre Reverdy : Avant l'heure

    Page 5

    Francis Picabia : Salive américaine
    E. Prampolini : bois
    Francis Picabia : Abri
    Pierre Albert-Birot : La joie des sept couleurs

    Page 6 [version internationale]

    Ferdinand Hardekopf : Regie
    H. Richter : dessins 1 et 2

    Page 6 [version française]

    Philippe Soupault : Flamme
    Camillo Sbarbaro : Mörar
    H. Richter : bois

    Page 7

    Pierre Albert-Birot : Crayon bleu
    Tristan Tzara : Guillaume Apollinaire
    H. Richter : bois

    Page 8

    Arthur Segal : bois gravé
    Paul Dermée : Bâton

    Page 9 [version internationale]

    Jakob van Hoddis : Der Idealist
    Richard Huelsenbeck : Die Arbeiten von Hans Arp

    Page 9 [version française]

    Alberto Savinio : Seconde origine de la voie lactée
    H. Richter : bois

    Page 10

    H. Arp : 3 gravures sur bois

    Page 11

    H. Arp : bois
    Francis Picabia : Guillaume Apollinaire
    Tristan Tzara : Circuit total par la lune et par la couleur

    Page 12

    Marcel Janco : gravure originale

    Page 13

    Paul Dermée : À Kisling
    Tristan Tzara : Bulletin
    M. Janco : dessin
    H. Arp : bois

    Page 14

    Tristan Tzara : Le marin
    M. Janco : bois
    Tristan Tzara : Calendrier

    Quatrième

    Vincente Huidobro : Cow-Boy
    M. Janco : dessin
    H. Arp : bois
    Sommaire des numéros 1 et 2

    Dada 3 sur le site de l'International Dada Archive (Iowa)

    Dada 3 sur le site de Mélusine

    Dada 3 sur le site du Blue Mountain Project (Princeton)

    Bibliographical material

    Zurich, s.é., 1918, in-4° broché

    Book3
    Date of publication 1918
    Publicationfirst publication
    LanguagesFrench, German, Italian
    Size24,00 x 33,00 cm
    Number of pages14
    PublisherSans éditeur
    Reference9025000
    Breton Auction, 2003Lot 340
    Keywords,
    CategoriesJournals
    Set[Revue] Dada
    Permanent linkhttps://www.andrebreton.fr/en/work/56600101000418