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L'Atelier, par André Breton

« Nous sommes ici à Montmartre, à deux pas de la place Blanche où le Moulin Rouge se cache en cette saison derrière un manège de fête foraine. Au bout d'un long couloir sur lequel s'ouvre l'entrée des artistes de l'American Club Theater nous avons traversé une cour en nous frayant un chemin à travers des décors que des jeunes gens y brossent en toute hâte pour une nouvelle pièce. Quand la concierge nous a dit que M. Breton habitait au deuxième et demi, nous nous sommes demandé avec inquiétude si son appartement n'allait pas être une réplique du célèbre logis du poète Alfred Jarry, l'auteur d'Ubu Roi, trop bas de plafond pour qu'il pût s'y tenir debout. La maison est pour cela assez vieille et l'escalier, avec ses paliers qui sont en effet bizarrement alternés, à mi-étage, fait qu'on peut s'attendre à tout. […]

« Une fois arrivé l'on respire. Tout un angle de la pièce est tapissé de livres. Un coup d'œil à la dérobée : les œuvres des poètes et encore des poètes, mais aussi Hegel et Freud au grand complet, les sociologues, maint et maint ouvrage d'ethnologie, quelques occultistes. Au mur des toiles de Chirico, Max Ernst, Picasso, Miró. Un goût marqué aussi pour les œuvres dites "naïves". […] Une collection d'objets ethnographiques, attestant une prédilection pour l'art océanien et l'art des Indiens d'Amérique, déborde sur la pièce voisine où Breton nous fait encore admirer tout un panneau de masques esquimau faisant face à un panneau de poupées "hopi" qu'il a recueillies une à une dans les réserves indiennes de l'Arizona. […] Le temps nous manque pour pousser plus loin notre inspection. Dépêchons-nous de ramener le poète à sa table, joliment encombrée de papiers et de livres, elle aussi : comment parvient-il à écrire là-dessus ? »

Le poète a quitté sa table un soir d'automne 1966. Les portes de la rue Fontaine se sont fermées derrière lui. Elles se rouvrent aujourd'hui.